* Ton Héroïne *
(Un film sans Paroles..)
Elle se tient là, brûlante et désirable,
Et t'appelle de tous les tisons flamboyants de son corps;
Son feu cent fois a foudroyé ton regard,
Et cent fois tu t'es immolé pour ses yeux de braise,
Te promettant que ce serait toujours la dernière,
La toute dernière fois où elle apparaîtrait, rayonnante et si pure,
Sur l'écran noir de tes éternelles nuits sans répit. Tu avais la foi,
Cette foi qui vient au monde en même temps que nos poumons;
Non, tu ne la filmerais plus, tu lui avais donné ta parole,
Mais la parole est à la défonce,
Alors enfonce-toi plus loin dans les abysses de ton âme.
Aimantant tes lèvres, emprisonnant ta bouche,
Elle vient s’emparer de ton être tout entier, ne laissant au monde
Que le droit au souvenir de ta silhouette sur le rebord de naître.
Elle vient te libérer de l’esclavage de ta liberté,
Que tu avais payée au prix fort : ta parole contre son venin,
Le prix de ton silence en échange de n’appartenir qu’à son discours séduisant,
Car son attraction t'est irradiante, et tu voudrais résister,
Semer sur sa route des graines de raison, ne plus chanceler, non,
Lutter contre son champ magnétique étincelant,
Mais sa force est plus ardente que ta faculté à disposer de ton avenir,
A choisir qui sera victime et qui sera coupable.
Tu renonces encore, acceptes son pouvoir, et renies jusqu'au nom
Qui dit oui à l'image de toi dans les miroirs qui ne te voient plus qu'ectoplasme;
Tu reconnais en elle la maîtresse de ton existence,
Lui cèdes tout contrôle sur le moindre de tes pas,
Jusqu'à ce qu'elle t'empêche de marcher dans tes propres rêves,
Qu'elle commande à tous tes voyages, à toutes tes connaissances,
Et t'offre pour seul trip une destination qu'elle ne t'avait pas vantée :
Un volcan de désillusions évanescentes, ton paradis infernal
Où même le soleil a peur d'y noyer son chagrin,
Tellement tu lui prends de son souffle d'hydrogène,
Celui que tu agonises dans le lit de ta muse carbonique...
Pourtant un énième matin dans ton monde,
Tu lui avais donné ta parole : on ne t'y reprendrait plus,
Mais tu en as repris de plus belle, et ta parole dort encore
Au milieu d'un cimetière de promesses incandescentes.
Voici l'autel de ta promise où tu compromets tes derniers synapses,
Rampe toujours plus bas aux pieds de ton idole,
Ta déesse, ton messager, ton avenir, ta confidente, ton amante;
Offre-lui encore de la levure que tu cueilles à ta sueur
Pour assurer sa croissance au foyer de ton coeur,
Et lui permettre de te détruire au-delà de ton ombre.
Elle puise en toi le feu qui alimente sa propre survie,
Et en retour tu lui donnes ta parole qu'elle sera à jamais
La vedette du film de ta vie, la star unique de ta déchéance,
Le seul nom au générique de ton crépuscule en kaléïdoscope :
Ton Héroïne.
Allez, reprends-en, c'est sa tournée, mondiale et ultime;
Ta chère, si chère fiancée est en tournée, en concert d'artifices,
Reprends-en, c'est la meilleure, c'est de la bonne et c'est ta vie :
Ton Héroïne.
Finis donc ton film, et arrête ton cinéma, tu n'as plus pour seule actrice
Que l'ombre du nourrisson que nous avions tenu dans nos bras,
Du temps où le scénario de ton existence à présent fumeuse
Avait encore le nom de ta mère et de tes proches au générique;
Du temps où la vie était encore pour toi
Ton héroïne.