Hier soir, tard dans la rivière du jour, une étoile a cligné du regard, et j'ai su que je ne devrais pas, cette fois, me contenter de la contempler, de l'admirer sans en tracer l'origine. Car je connais ce regard, je le distinguerais parmi les cent-mille milliards de chandelles phosphorescentes que compte mon infime part d'infini. Cet éclat vert-de-gris tirant sur l'azur un peu fou des mers cosmiques, ce ne pouvait être que cette mire absolue qui me toisait souvent, le matin comme les années, et qui me faisait à chaque fois me rendre compte de cette chance immense que j'avais de pouvoir choisir quel peloton d'exécution se chargerait de me fusiller du regard : tes yeux, mais ces yeux-là qui me brûlent encore dans le fardeau des nuits trop calmes; ces yeux-là où plonger est gage certain de n'en jamais revenir, comme tomber dans un trou noir et en absorber jusqu'à l'ultime lumière; ces yeux-là dont le monde n'a jamais su saisir la douceur et l'assurance mêlées, si occupé comme il sait l'être à se faire tourner en bourrique, comme tout monde digne de ce nom et indigne du tien. Et, dans le privilège absurde d'hier soir où j'étais adossé au ciel de déjà demain, j'ai croisé ces yeux qui n'appartiendront jamais qu'à toi, et je n'ai pas pleuré; j'ai seulement aimé, l'instant autant que l'éternité où ils danseront. J'ai aimé ta lumineuse absence, et j'aurais voulu, tout de même, me perdre encore une fois, juste une autre pendant que le monde n'en sait rien, dans la folie salutaire de cet éclat saphir-émeraude à nul autre pareil, même et surtout au sein des étoiles : le seul endroit au monde où j'ai promis de venir te chercher.
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