© Tori Amos, "Crucify" - Sources : @RHINO via You-Tube - (Tous droits réservés)
Depuis qu'elle a vu un cœur en forme d'étoile de mer se pavaner les seins à l'air, votre âme croit pouvoir s'énamourer de n'importe quelle aura qui viendrait à traîner par-delà son champ de vision, autant que dans son rayon d'action. Elle avait déjà appris que la Vie, sous quelque forme qu'elle puisse l'imaginer, était à même de pouvoir exister sur une lointaine planète. À vrai dire, la vie existe partout dans le cosmos, elle le pressentait depuis bien avant que la science puisse le vérifier, le certifier, le quantifier. L'attester, comme une énième preuve, irréfragable et péremptoire, que la seule et unique intelligence qui méritât ce nom se tînt bien éloignée du zoo-fourmilière nauséeux que constituait, à ses yeux inextinguibles, l’engeance à laquelle avait l'heur d'appartenir le corps qui s'était mis en tête de prendre possession d'elle.
Mais d'elle qui est âme.
Car elle est âme, elle est conscience, elle se hante toute seule pour n'avoir jamais à subir les attaques stériles des excités du spectacle permanent à offrir à ces moutons serviles écervelés, toujours prompts à s'ébaubir du moindre rai de lumière qui ne viendrait pas de leur téléphone portable ! (Cette curieuse et énième extension de leur mégalomanie égotique, et qu'ils dénomment affectueusement et pompeusement smartphone, comme pour se rappeler qu'ils y ont déposé toute la somme de ce qui leur avait toujours servi d'intelligence...) D'ailleurs, qu'en pense-t-elle, cette âme qui fut vôtre, mais qui à présent chemine le long de la voie parallèle à ce néant qui a trouvé logis au tréfonds d'un neurone, un seul et unique neurone comme ultime trophée de ce que Vivre sait happer à l'émergence du Bios sulfaté de chimie artificielle depuis que l'Homme est sorti de son placard... ?
Votre destinée se lézarde de façon aussi inextricable qu'implacable. Elle n'en peut plus de frôler la pluie ou de frelater les nuages ; de bizuter les vents ou de fleurir les cimetières de trop de rides cousues sur le fil du temps qui passe. Elle voudrait simplement n'avoir plus à se retourner sur les traces que son cœur immanent a laissées sur l'espace incongru qu'il reste entre avoir aimé, et ne rien savoir d'être aimée : il pleut à présent dans ses veines échevelées par trop de courses perdues contre des amants de poussière. Il lui faut regagner les pénates d'en-haut, les chaumières d'en-bas, les fioles de jouvencelles que l'on offre parfois aux âmes égarées lorsqu'on ne sait pas comment nommer les douleurs qui les ont chassées du monde froidement "normal".
Elle tait même ses derniers pas, l'empreinte qui s'enfonce dans le tissu du temps la nargue une dernière fois, juste avant que l'Histoire renouvelle -scrupuleusement, consciencieusement, et imperturbablement, sans le moindre état d'âme- aux Hommes le juteux contrat tacite qui a toujours lié l'Humanité à l'inanité, et à l'immanité qui va avec. Ainsi qu'avec l'immunité dont elle jouit systématiquement pour justifier son impéritie immémoriale à être enfin autre chose qu'une superbe poussière et demie. (*)
(*) Voir ce lien pour l'occurrence, dans le premier paragraphe.